Mon enfant s'ennuie : que faire ?
- Isa LISE
- il y a 6 jours
- 8 min de lecture

Comment réagir lorsque notre enfant s'ennuie ?
Est-ce qu'il faut à tout prix éviter l'ennui ? Est-ce une bonne idée ?
Zoom sur l'ennui, ses bienfaits, ses risques, les raisons de l'ennui et la façon d'y réagir.
Article en 4 parties :
L'ennui d'hier à aujourd'hui
Définition : l'ennui peut représenter différents états : la nostalgie ou la peine (sens vieillis) ; la lassitude lié à un sentiment de vide, d'inutilité, de découragement ou à un manque d'intérêt ; un sentiment de contrariété ou d'inquiétude. Il peut aussi désigner une difficulté.
L'ennui dont nous parlons ici est l'ennui-lassitude, plus particulièrement l'ennui "je ne sais pas quoi faire, rien ne m'intéresse et on ne m'a rien donné à faire".
Plus des lois ont visé à protéger les enfants en interdisant le travail des petits, plus on s'est intéressé au bien-être de l'enfant, au besoin pour lui de jouer et d'avoir du temps libre, plus l'ennui a pointé son nez.
Pourtant, aujourd'hui, l'ennui tend à disparaitre pour deux raisons :
la surstimulation
Certains enfants cumulent les activités, n'ayant plus de temps pour ressentir l'ennui et réfléchir à ce qu'ils souhaitent
Une réalité particulièrement criante en Asie où bien des jeunes grandissent sans jamais avoir découvert ce qu'ils voulaient. En effet, dans certains pays, ils cumulent école puis cours de soutien puis activités. Pendant les vacances activités et cours de soutien sont également organisés. Ce n'est pas pour rien si Taïwan a instauré des "congés santé mentale" au lycée face à un taux de suicide conséquent.
la forte utilisation des écrans
Désormais entre les films à la demande et les réseaux sociaux, l'enfant peut plonger dans un univers virtuel et ne pas connaître l'ennui. Au moindre signe d'ennui, il zappe.
L'ennui peut ainsi être évité. Mais est-ce une bonne nouvelle ?

Quels sont les bienfaits de l'ennui ?
Partage d'expérience :
Durant une année, nous avons accueilli une jeune Taïwanaise de 17 ans. Elle ignorait l'ennui en raison à la fois d'une surstimulation et d'une forte utilisation des écrans. Comme elle le disait, elle n'avait pas besoin de penser.
Elle était au final incapable de prendre la moindre initiative et de faire quoi que ce soit, seule ! Même prendre un livre n'était pas naturel, elle ne savait pas lequel choisir et n'avait aucune habitude de lire pour le plaisir de lire.
Nous avions donc à la fois limité le temps d'écran (si ce fut difficile au début, elle réalisa bientôt qu'elle avait un sommeil de meilleure qualité et était moins stressée, elle limita ensuite elle-même son temps d'écran) et nous l'avions vivement encouragée à choisir ses occupations tout en lui proposant des activités qu'elle n'avait pas l'habitude de faire.
A la fin de l'expérience, elle nous remercia : "grâce à vous, j'ai appris que je pouvais choisir seule".
Les principaux bienfaits de l'ennui dû à l'absence de propositions sont les suivants :
développer l'autonomie,
développer la confiance en soi en cherchant soi-même des solutions,
développer la responsabilisation,
découvrir qui on est,
découvrir ce qu'on veut en ayant la possibilité de choisir,
développer l'envie d'explorer,
développer la pensée créative,
développer le monde intérieur,
avoir du temps pour rêver,
nourrir son intériorité,
se connecter à l'instant présent et à soi,
avoir un meilleur moral,
contrer la surstimulation,
contrer la surexcitation,
lutter contre le stress des écrans (répondre vite, "faire aussi bien que", voir à tout prix, etc.),
aller plus réellement vers l'autre en s'engageant dans telle ou telle association, action, etc.,
s'offrir une vraie pause !
Pensez au plaisir ressenti lorsque vous n'avez RIEN à faire, à simplement être là, le corps parfaitement détendu, sans aucune oreille aux aguets.
Pensez à ces moments passés de farniente absolue, au repos et bien-être qu'ils apportent.
Et vous savez quoi ? En plus de nous offrir la possibilité d'un repos trop souvent oublié, l'absence d'activité améliore aussi la mémorisation car le cerveau peut tranquillement ajouter quelques connexions supplémentaires. Il n'est pas occupé à traiter et analyser de nouvelles informations en attendant le moment de pouvoir les stocker correctement.
Quels sont les risques de l'ennui ?

Les bêtises
Lorsqu'un enfant s'ennuie, il peut vouloir attirer l'attention ou expérimenter ce qui a priori est interdit. Dans ces situations, l'enfant peut faire des bêtises, involontairement ou volontairement. Il peut ainsi casser des choses ou taper son frère ou sa soeur par exemple.
la déprime
Si une trop grande stimulation peut conduire à la déprime ou même à la dépression, un ennui trop fort et répété peut également conduire à la déprime ou à la dépression.
le bore-out ou épuisement par ennui
Rothlin et Werder, deux hommes d'affaires suisses, ont développé le concept d'épuisement par ennui professionnel ou "bore-out". Ce bore-out se manifeste par l'ennui, l'absence de défis et le désintérêt professionnel.
Le bore-out existe également pour les enfants, il se manifeste généralement chez les enfants à haut potentiel scolarisés lorsqu'ils n'ont pas suffisamment de stimulations.
le sentiment de culpabilité parental
A une époque où on nous montre toujours plus comment être un parent "parfait", il est difficile de ne pas ressentir une forte pression sur soi. Or si l'enfant s'ennuie un peu trop, un peu trop souvent et un peu trop fort, le parent peut rapidement culpabiliser !
Un comble : le parent imaginant que l'ennui est à éviter à tout prix risque de croire qu'il est responsable de cet ennui et priver alors l'enfant des bienfaits de l'ennui !

Mon enfant s'ennuie, que faire ?
Tout d'abord on se débarrasse de la culpabilité. Dans la majorité des cas, nous avons pu constater que l'ennui est une chance ! Dans tous les cas, évitons de répondre à sa place et encourageons-le à répondre à ses propres besoins.
De plus, l'enfant s'ennuie-t-il ou est-ce une étape transitoire ?
En effet, l'enfant peut éprouver de l'ennui pour 7 raisons principales :
Il a en fait besoin d'attention, de l'attention de ses parents.
Il a des besoins physiques non satisfaits, essentiellement manger, boire, se reposer, bouger.
Il se sent seul.
Il est en "manque d'écran".
Son emploi du temps est tellement millimétré qu'il n'a pas développé son autonomie.
Il ne sait pas quoi faire pour le moment.
Il est en situation de "bore-out" ou tout au moins de véritable ennui.
Voici des pistes pour répondre à ces 7 raisons principales d'ennui :
Soyons présent pour notre enfant
Proposons-lui suffisamment de temps de qualité avec des moments passés ensemble à réaliser une activité qui nous convienne à tous les deux, des moments en famille et en tête-à-tête.
Parfois l'enfant a seulement besoin de quelques minutes pour qu'on regarde ce qu'il fait ou ce qu'il vient de faire.
Invitons-le à respecter ses besoins
Invitons-le à réfléchir au fait qu'il a peut-être faim, soif, besoin de se reposer ou de bouger ! En effet, si l'enfant n'a pas pu bouger comme il en avait besoin, le sentiment de frustration s'accroit et avec lui, la faible résistance à l'ennui. De plus, il n'a plus la capacité, l'énergie de commencer une nouvelle activité.
Encourageons-le à chercher une compagnie ou à la préparer !
Dans le premier cas, on encourage l'enfant à chercher une compagnie : un copain/une copine ou bien un frère/une soeur. Parfois, il nous dit "j'ai pas envie de jouer avec F., il est pénible". Les conflits dans la fratrie sont en effet fréquents tout comme la complicité quelques minutes après! Invitons-le à réfléchir à une activité qui pourrait tous les intéresser.
Dans le second cas, on peut lui proposer d'organiser une activité pour la famille ! L'enfant est ainsi à la fois encouragé à développer sa capacité de réflexion, son autonomie, son sens de l'organisation et sa créativité ! Nul besoin de prévoir une activité complexe (même si bien sûr, c'est aussi une possibilité), il peut tout simplement organiser une activité courte, un jeu simple ou une balade.
Le 10 avril, c'est de plus la journée mondiale des frères et soeurs, une bonne occasion pour imaginer une activité particulière autour de la fratrie. Cependant, même en dehors de cette journée, on peut imaginer une journée spéciale pour sa famille. Pourquoi ne pas imaginer une journée uniquement pour notre famille avec peut-être une future tradition qui nous appartienne uniquement ?
Apprenons-lui à limiter son temps d'écran.
La question du manque d'écran se pose uniquement si l'enfant passe en fait la quasi-totalité de son temps libre sur les écrans.
Certains enfants parviennent à gérer seuls leur temps d'écran et d'autres, non.
Il est alors utile de leur apprendre à gérer ce temps. La règle des 3-6-9-12 de Serge Tisseron peut être utile (pas d'écran avant 3 ans, pas de console de jeu avant 6 ans, pas d'Internet avant 9 ans, Internet accompagné jusqu'à 12 ans). Celle-ci est à s'approprier car aujourd'hui, on demande aux enfants de se connecter de plus en plus tôt. Le tout est de trouver un bon équilibre du temps sur les écrans et de parvenir à s'arrêter.
Pour atteindre cet objectif de gestion des écrans, deux points sont essentiels : lui expliquer que c'est compliqué pour nous aussi de limiter notre temps d'écran et partager notre expérience pour ne pas être "débordé(e)" par nos écrans et l'inviter à trouver les réponses "gestion de l'écran" qui tiennent compte à la fois de son âge et de ses particularités (un enfant TDAH ou autiste peut avoir beaucoup plus de difficultés à s'arrêter s'il n'a pas de timer ou quelqu'un qui lui indique le temps écoulé).
Développons son autonomie et refusons la surstimulation
Dans un premier temps, on commence par cesser la surstimulation même si l'enfant est a priori demandeur. Il est essentiel qu'il dispose d'assez de temps libre.
Afin de l'habituer à relâcher la pression, on peut lui proposer des activités lentes, des activités de contemplation, etc.
Ensuite, on l'encourage à être autonome.
Selon John Eastwood et ses collègues, une des caractéristiques de l'ennui est de penser que l'environnement est responsable de l'ennui. Si on reprend un contrôle sur l'environnement, l'ennui est donc amené à disparaitre ou être limité.
On peut ainsi l'inviter à suivre ses passions.
Demandons un temps de réponse différé
Si on pense que l'enfant est dans un "entre-deux", entre deux activités donc et qu'il vient nous solliciter, on peut lui répondre de revenir dans 10 mn et qu'on lui proposera alors quelques idées.
Si l'enfant est vraiment dans cet "entre-deux", il ne reviendra probablement pas car il aura déjà trouvé sa nouvelle activité !
Répondons à ses besoins lorsque l'ennui est trop fort.
Si l'ennui est très fort, qu'il ne parvient pas à répondre avec autonomie et qu'on le sent déprimé, on peut répondre de plusieurs façons à ses besoins.
Tout d'abord, on peut mettre à disposition un "bocal à ennui" ou une "malle aux trésors".
Dans le bocal à "ennui", on a préalablement glissé quelques idées d'activités (idéalement pensées avec l'enfant): puzzles, recette à réaliser, sport à faire, nouvelle coiffure à tester, nouveau mouvement sportif, faire du tri (un tri par couleur, par genre peut aider à remettre de l'ordre dans ses idées et amuser), etc.
Dans la "malle aux trésors", on a préalablement préparé des petites surprises : des déguisements, des jeux inédits ou même d'anciens jeux à redécouvrir (un roulement de jeux qu'on met à disposition puis qu'on range permet régulièrement de renouveler leur intérêt), objets divers (boutons, pierres amusantes, objets perdus, etc.).
Enfin, pour éviter le bore-out, on propose des activités riches : nouvelle compétence ou connaissance à acquérir, kits thématiques du Monde de Mei et Noé à découvrir, etc.
Et vous, que pensez-vous de l'ennui ? Comment le gérez-vous chez vous ?
Images pixabay
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